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lisez la "Presse-pas-pareille"

Nouvelles partagées du 31 août 2020

Plutôt que de se faire prendre au piège du mensonge qui rassure, lisez la "Presse-pas-pareille". Le journal libre L’âge de faire nous propose une carte active ici pour ne pas passer à côté, quel que soit le lieu où on sera cet été. À consommer sans modération, bien sûr !

A propos de mensonge, le 14 juillet, ça vous interpelle ? Voyons ce qu’en dit Henri Guillemin :

 14 juillet 1789 -

Sous ces mots, Révolution française, il y a deux réalités successives et qui sont absolument opposées, deux réalités antithétiques. Il y a d’abord de 1789 au 10 août 1792, la prise de pouvoir par l’oligarchie financière. C’est ça, la première révolution, et en vérité ce n’est pas une révolution mais une réforme. La monarchie qui était absolue est maintenant une monarchie contrôlée. Contrôlée par qui ? Par la bourgeoisie d’affaires. Et la date capitale de la première partie de la fausse révolution, la date que les manuels ne soulignent jamais assez et on fait quelquefois même exprès d’en parler à peine, c’est le 17 juillet 91 : la bourgeoisie jette le masque et après s’être servie des pauvres comme levier pour abattre la monarchie absolue, elle leur tire dessus. Et ce sont des centaines de morts sur le Champ de Mars, grâce aux troupes de La Fayette, à cette Garde nationale constituée de notables qui tirent sur le peuple, en ce jour.

Seconde révolution, alors, pour de bon. À partir du 10 août 92. Cette fois, c’est le Quatrième État, ce sont les pauvres, les prolétaires, les ouvriers, les petits paysans qui sont dans le coup. C’en est fini de cette première partie où les bourgeois disaient :

« l’État, c’est nous ». Il s’agit maintenant de toute la France, je l’ai souvent répété. Mais quand on regarde les chiffres, on est surpris de voir combien les votants sont peu nombreux. Il faut se rendre compte de ce qu’était la France d’alors. Elle est composée, dans son immense majorité, de véritables bêtes de somme, depuis des centaines d’années, courbées sous le poids de ces possédants qui illustrent parfaitement l’idée de Voltaire selon lequel « le petit nombre doit être nourri par le plus grand nombre ». Ces pauvres gens sont abrutis de misère ; ils commencent à peine à ouvrir les yeux. Il ne faut donc pas s’étonner que ceux qui commencent à comprendre quelque chose à la politique, pour dire vite, se comptent par dizaines de milliers et pas par centaines de milliers. Néanmoins, à ce moment-là, c’est quelque chose d’important et de capital qui est en jeu. Alors, les possédants, ceux qui avaient fait la première partie de la Révolution, ceux qui avaient trouvé à leur service d’abord les Girondins – aile marchante du bataillon de choc des riches – puis des gens comme Danton, Cambon, Barère et Carnot, n’ont de cesse maintenant que de voir se terminer cet intermède pour eux abominable, odieux, où il s’agit vraiment de la République.

L’intermède républicain, le véritable intermède révolutionnaire, commence le 10 août 92 et s’achève le 27 juillet 94 par la chute de Robespierre. À la suite de quelques cahots et secousses dans ce que l’on appelle le Directoire, on va aboutir à ce recours au sabre que les honnêtes gens appellent de leurs vœux pour faire tenir tranquille la canaille, ces sans-culottes comme La Fayette les a appelés par dérision. Et ce sera le 18 brumaire, c’est-à-dire le 9 novembre 99, avec cette coalition des industriels représentés par Périer, des banquiers représentés par Perregaud et du caïd en chef, le chef des généraux pillards, le petit Bonaparte. À ce moment-là, les honnêtes gens sont tranquilles. Pour plus de cinquante ans. Jusqu’en 1848.

C’est bien ce qui se passe et qui permet à monsieur Godechot d’écrire cette formule à la fois désabusée et lucide : « Qu’est-ce que la Révolution française ? Après tout, ça n’a été que le passage du système féodal expirant au système capitaliste naissant ». Ce n’est pas comme ça que Robespierre l’avait vue, cette Révolution, et cette divergence d’idée lui a coûté la vie. (…)

Je voudrais ouvrir là une petite parenthèse et vous dire que notre étude nous a peut-être appris à nous méfier des représentations officielles, des représentations traditionnelles de la Révolution française. Je pense à la génération à laquelle j’appartiens, celle des gamins qui avaient dix ou douze ans en 1914. La France d’alors était coupée en deux. Les enfants de la bourgeoisie étaient élevés dans les écoles libres, les écoles confessionnelles. J’ai eu la curiosité de regarder ce qu’on apprenait sur la Révolution. C’était le diable, la suite de la Réforme, les gens de bien avaient été attaqués par les gens en sabots. Mais dans l’école laïque, on avait avant tout la préoccupation de nous cacher le fond des choses. C’était toujours l’idée secrète de Gambetta qui, en 1880, avait prononcé à Belleville un fameux discours où il avait dit :

« Il n’y a pas de question sociale ». À quoi Jules Vallès lui avait répondu : « S’il n’y a pas de question sociale, il n’y en a pas d’autre ».

Henri Guillemin – 1789-1792 / 1792-1794
les deux Révolutions françaises