Erwin Chargaff est né le 11 août 1905 à Czernowitz. Entre 1920 et 1928 il poursuit des études de chimie et de littérature à Vienne. Après l’incendie du Reichstag (« Hitler a fait de moi un juif »), il accepte un poste à Paris ; puis il rejoint les U.S.A., où, de 1935 à 1974, il sera chercheur à l’université de Columbia. En 1945, il découvre la structure de l’ADN, et énonce les règles dites « de Chargaff », lois capitales sans lesquelles la substance héréditaire de l’homme n’aurait pas pu être déchiffrée. Il meurt à New York, en 2002, à l’âge de 97 ans.
« Ma vie a été marquée par deux découvertes scientifiques inquiétantes : la fission de l’atome et l’élucidation de la chimie de l’hérédité. Dans un cas comme dans l’autre, c’est le noyau qui est maltraité : celui de l’atome et celui de la cellule. Dans un cas comme dans l’autre, j’ai le sentiment que la science a franchi une limite devant laquelle elle aurait dû reculer. »
Chargaff croit en la nature, mais doute radicalement de la science d’aujourd’hui. Elle est devenue trop puissante, trop soumise aux exigences de la technologie et de la finance, trop complexe et impénétrable. Scientifique, il sait de quoi il parle. Et il ne parle pas seulement avec l’autorité d’un spécialiste, mais aussi avec une âpreté critique et un amour de la polémique qui rappellent Karl Kraus, une des figure qui ont guidé sa vie.