Accueil > La médiathèque > L’audiothèque

D. Coeurnelle et S. Dubernet

Le thème complet de cette "dispute" : " Être ou ne pas être ... transhumaniste. Comprendre la philosophie du mouvement transhumaniste et ses objection dans un débat contradictoire"
Didier Coeurnelle est vice président de l’Association Française Transhumaniste Technoprog
Sarah Dubernet est administratrice de la Fondation Sciences Citoyennes
Conférence donnée à Pont Lagrand (05) le 31 août 2014 à l’occasion du 5ème Festival des Sciences en Bobines de Trescléoux/Lagrand.
Durée : 1h44mn
Cette conférence, disponible aussi dans Kheper à prix libre est ici :

D. Coeurnelle et S. Dubernet

Pour nous, l’intérêt de cette conférence est non seulement de donner la parole à des intervenants d’avis complètement opposés, mais surtout de montrer que la contradiction éclairée peut aussi venir des participants. C’est un des buts de ces festivals.
D. Coeurnelle était prévenu que la salle serait largement favorable à la thèse de Sarah Dubernet. Les interventions sont donc logiquement partisanes. Mais dans un souci de tendre vers un certain équilibre, nous laissons le dernier mot à D. Coeurnelle : un membre de l’assemblée a tenu à lui poser par écrit, des questions précises. Ils nous ont autorisés à les retranscrire ici :

Vous êtes membre du parti Ecolo, dont j’ai lu le programme ; nous partageons donc certaines analyses.
Dans le cadre de ces analyses partagées je souhaiterais vous poser 4 questions concernant votre ouvrage « Et si on arrêtait de vieillir ».

1 Ne pensez-vous pas qu’avant de chercher à aller vers « une vie beaucoup plus longue en bonne santé », il est nécessaire dans un premier temps assurer une vie décente à tous ceux qui ne peuvent en bénéficier ? Ce serait déjà un moyen de rallonger des espérances vie raccourcies par la misère et par l’exploitation de l’homme par l’homme .Des mesures non techniques, ne faisant pas appel à la recherche scientifique mais de l’ordre de la (bonne) politique suffisent pour cette première étape : assurer un toit, une alimentation saine, un air sain, un revenu décent, un accès à l’eau potable (et non polluée chimiquement),un accès aux soins de base, cesser de polluer donc arrêter toute une série de productions (entre autres produits chimiques, déchets nucléaires), changer de modèle agricole …Donc un changement complet de société et de mode de production

Il n’y a pas d’incompatibilité entre les deux approches et elles peuvent donc être simultanées. Les espérances de vie au Nord comme au Sud progressent, mais elles progresseraient plus vite encore si les améliorations dans le domaine du logement, de l’environnement, de l’accès à une alimentation saine étaient plus rapides.

Personnellement, et comme membre d’Ecolo, je me suis investi tant financièrement que politiquement depuis plus de 20 ans pour ce qui concerne la lutte contre la malnutrition. Il y a un fait important que beaucoup de citoyens ignorent ou oublient, particulièrement ceux situés politiquement à gauche. La situation globalement s’améliore et aujourd’hui, en dehors de l’Afrique subsaharienne, les décès suite à la faim et à la malnutrition ne touchent plus qu’une partie réduite de la population, même si cela reste beaucoup trop. Ceci s’explique par les progrès économiques, sociaux, en matière d’hygiène et aussi par les progrès médicaux.

Cependant, même si tous les aspects environnementaux et sociaux étaient parfaits, nous ne pourrions quand même pas vivre plus de 90 à 100 ans en moyenne et pour pouvoir permettre une vie en bonne santé encore plus longue et agréable, des progrès médicaux visant à lutter contre les maladies liées au vieillissement sont nécessaires.

J’ajoute enfin, en ce qui concerne les mesures pour un air plus sain, que la pollution atmosphérique, particulièrement par les particules fines, est probablement un des éléments qui explique que les "supercentenaires" (les personnes vivant plus de 110 ans) ne sont pas plus nombreux aujourd’hui qu’hier. La recherche dans ce domaine et la lutte contre cette pollution sont donc particulièrement importants.

2 Ne pensez-vous pas que devant la gravité extrême pour l’humanité des conséquences du bouleversement climatique en cours l’urgence est d’abord ce changement de mode do société, de mode de vie, de mode de production, la réduction drastique de notre consommation énergétique, et le renoncement à l’extractivisme ?

Il n’y a pas d’incompatibilité entre les deux approches au contraire. Le réchauffement climatique est un des risques majeurs pour l’humanité. Ce risque est même, à mon avis, paradoxalement, amplifié par le ralentissement constaté du réchauffement ces dernières années, car cela montre combien l’impact humain sur le climat est imprévisible et parce que ce réchauffement pourrait accélérer à nouveau sa hausse, sans que l’on sache exactement pourquoi.

Les bouleversements climatiques ont des effets potentiellement catastrophiques particulièrement à long terme. Une société dans laquelle des citoyens pourraient imaginer vivre (presque) sans limitation de durée serait une société où les citoyens auraient tendance à être beaucoup plus prudents. En effet, se préoccuper du futur pour les générations futures est positif, mais se préoccuper du futur pour soi-même, ne pas pouvoir se dire "Après-moi le déluge", est encore plus motivant.

3 Ne pensez-vous pas que les objectifs prioritaires de la recherche scientifique dans notre monde pollué seraient de rechercher des techniques de dépollution (s’il en est), de trouver (si c’est possible) des méthodes de gestion des déchets radioactifs (après avoir arrêté les réacteurs nucléaires, mesure urgente) ….et de rechercher des méthodes de production d’énergie renouvelables non polluantes…

Encore une fois, il n’y a pas d’incompatibilité entre les deux démarches au contraire. Ceci pour les raisons citées plus haut. Se préoccuper du futur pour les générations futures est positif, mais se préoccuper du futur pour soi-même est encore plus motivant.

4 Ne pensez-vous pas qu’il faudrait un large débat avant de décider d’orienter prioritairement la recherche scientifique vers des techniques permettant d’allonger la vie humaine ? …Vous présentez dans votre ouvrage toute une série d’arguments en faveur de cette option. . Reste à savoir si la majorité des humains les ressent comme pertinents et correspondant à un besoin…Ne pensez-vous pas qu’une telle décision ne peut être prise par des scientifiques, des « experts » ou par des gouvernants sans accord de la majorité des citoyens de la planète ?

Je suis, depuis très longtemps en faveur d’une démocratie à l’échelon planétaire ce qui pourrait se faire notamment par l’institution d’un parlement mondial. A ce sujet, je suis entre autres membre d’une association qui milite pour la création d’un parlement composé d’élus au sein des Nations-Unies (http://fr.unpacampaign.org/index.php).

Cependant, je ne pense pas que ce soit possible ou souhaitable d’interrompre les progrès médicaux et de décider que les personnes âgées doivent continuer à mourir de la maladie d’Alzheimer, de cancers ou de maladies cardiovasculaires avant qu’une démocratie de ce type soit établie. D’abord, parce que le droit à la vie, le droit à la santé et à son amélioration sont des droits de l’homme fondamentaux, ensuite, parce qu’il y a beaucoup de recherches très dangereuses qui à mon avis devraient être ralenties auparavant (recherches militaires) ou qui devraient être menées en étant particulièrement attentif à la question des risques (recherches sur l’intelligence artificielle.