Si le jeu des perles de verre n’est qu’un jeu issu de celui du boulier rustique, son objet n’est rien moins que le salut de l’âme par la culture et la méditation. Cette dernière constituant pour Hesse la ressource suprême. Joseph Valet, un érudit d’une époque imaginaire permettant de juger le passé et, par conséquent, notre temps, est le maître du jeu qui consiste à manier les idées et la somme des connaissances comme un organiste très subtil répand des harmonies. Il appartient à une république de l’esprit, à un Ordre qui a pour mission de rechercher l’unicité du monde et d’accomplir la synthèse des arts et des sciences. Il désespérera cependant de l’avenir spirituel de celles-ci, à moins qu’elles ne viennent à bénéficier d’un humanisme infiniment élaboré, d’un sens approfondi du beau et du bien. Les vues du grand écrivain allemand se rattachent en partie à la tradition hindoue, dans laquelle le temps n’est pas ce qu’il est pour nous, et au monisme qui, chez Hesse, tend à identifier Dieu et la nature. Son christianisme rejoint les grands courants de la pensée et peut coexister avec la spiritualité asiatique. La réprobation assez distante et souvent ironique que le progrès technique inspire à Hermann Hesse, sa pureté, son ambition morale, l’échec qu’il redoute et qu’il prévoit, sa mise en doute de la culture même, expliquent bien l’intérêt que lui porte toute une jeunesse intellectuelle, en France et au U.S.A. notamment.